Lavage de cerveau




06 mars 2006

Il nous arrive fréquemment, autour de nous, de rencontrer des gens qui utilisent des techniques de manipulation pour "prendre le pouvoir", parfois lors d'une discussion banale. Par exemple, certaines personnes répondent systématiquement "Non" quand on leur pose une question, pour montrer à l'interlocuteur la complexité de leur système de pensée (même si quelques secondes plus tard, cette question va dans le sens de l'opinion exposée : il suffira alors de la reformuler).

D'autres glissent des "tu es d'accord, non ?", n'attendant pas la réponse pour continuer, ou changeant de sujet rapidement. D'autres encore glissent sans cesse des "Pardon ?", des "Comment ?", montrant que ce qu'ils viennent d'entendre les choque au plus haut point. Certains couvrent la voix de leurs interlocuteurs, montrant qu'ils dédaignent au plus haut point le moindre argument qu'ils pourraient émettre. D'autres noient systématiquement le poisson, passent du coq à l'âne, couvrent le discours de paroles interminables, répétant parfois sans cesse la même idée (verbiage). Il s'agit là de méthodes, parfois utilisées inconsciemment, participant d'une pratique de la déstabilisation.

Les manipulateurs utilisent fréquemment, par exemple, le mensonge systématique. On voit ce principe fonctionner couramment dans un certain monde politique. Ceux qui en usent se basent sur le fait qu'un citoyen normal peut difficilement imaginer qu'un homme de pouvoir (un élu, qui plus est) puisse mentir. Or ce sont justement ces mensonges qui le mène au pouvoir... La démagogie consiste à mentir en étant systématiquement d'accord avec l'interlocuteur, quel qu'il soit...

Parmi d'autres techniques fréquemment employées :

- le chaud et froid (alternance de flatteries, de sourires, de marques de confiance, avec la raillerie, les remarques acerbes, les reproches...)

- faire croire à l'autre qu'il est faible, sans jamais le dire explicitement, mais en employant un ton ou des mimiques qui ne laissent aucun doute (et si possible en l'absence de témoins). Si cet autre se rebelle, il suffit de le traiter de paranoïaque : on lui affirme qu'il a des hallucinations (visuelles ou auditives), que sa faiblesse est une vue de son propre esprit...

Les manipulateurs ont parfois affaire à leurs pareils : ils emploieront alors sans vergogne la flatterie, l'obséquiosité, voire la flagornerie.

Certaines personnes emploient le silence calculateur... qui ne signifie que ce qu'on y met : du mépris, de la fierté bafouée, de l'incompréhension... Pour peu que cette personne hausse les sourcils et roulent des yeux éberlués, et nous voilà redevenus enfants en train de se faire gronder.

La connotation est fortement employée par les manipulateurs : ils disent sans dire, et peuvent ainsi, à tout moment, se retourner contre celui qui exprime clairement l'opinion sous-jacente.

Il ne faut pas oublier que nous sommes facilement auto-manipulables : nous nous laissons couramment aveugler, dans un effet d' escalade d'engagement ("je me suis engagé, je ne peux pas revenir en arrière", "je me suis trop investi pour abandonner"). Cela peut arriver lors d'achats (effet de la "dépense gâchée" de temps ou d'argent), ou lorsqu'on a fait une promesse. L'individu arrive à rationaliser ses comportements en adoptant après coup des idées susceptibles de les justifier, à adhérer à ce qui paraît être leur décision, et à se comporter en conformité avec elle.

Nous nous trouvons fréquemment dans une situation de soumission librement consentie, dans laquelle un "oui" qu'on nous a extorqué nous amène à nous comporter de manière totalement différente de celle que nous adoptons spontanément.

Bien souvent, si on agit, c'est qu'on s'est engagé à le faire. Le manipulateur tente de maintenir la décision prise, et de l'alimenter. Il peut même être à l'origine de la décision (on parle alors d'amorçage, obtenu grâce à un mensonge ou une dissimulation de la vérité).

La technique du leurre consiste à amener un individu à prendre la décision d'émettre un comportement présentant des avantages, puis à lui apprendre que, les circonstances ayant changé, il n'a plus la possibilité d'émettre ce comportement. Il lui est alors proposé un comportement de substitution ne présentant pas pour lui les mêmes avantages. Qu'il accepte, généralement.

Le pire, c'est que les manipulés ressentent un véritable sentiment de liberté, surtout lorsqu'il y a peu d'obligations, et paradoxalement peu de récompense. Même la non-directivité (Rodgers) peut être une forme de manipulation. L'individu croit qu'il est libre, mais il obéit en fait à des objectifs fixés (implicitement ou non). Généralement, les victimes de la manipulation sont les gens qui culpabilisent, les gens scrupuleux, les perfectionnistes, les orgueilleux.

Certaines dérivations de la logique permettent de tromper des personnes non averties. On retrouve parmi ces moyens le sophisme, le faux dilemme, le paralogisme...

Bentham, dans son "Traité des sophismes politiques", dit que "le sophisme (fallacy) s'applique au discours de toute forme considéré comme ayant une tendance, intentionnelle ou non, à devenir la cause de l'adoption d'une opinion erronée, ou, au moyen de quelque opinion erronée, déjà admise, d'engager ou de continuer une orientation pernicieuse d'une action". Les arguments recensés font appel à la modestie, la superstition, l'amitié, la peur, la haine, l'envie, le repos, la faiblesse d'esprit, l'orgueil, le jugement, l'imagination. Les sophismes sont classés suivant quatre termes-clés : l'autorité (l'argument d'autorité), le danger (l'argument de défense), l'ajournement (l'argument de temporalisation), la confusion (l'argument de la manipulation). Au niveau des langages, "la formule utilisée est uniformément la même, elle consiste à éviter la question débattue en substituant des termes généraux et ambigus aux termes clairs et particuliers. Dans d'autres sophismes, l'argument avancé est généralement non pertinent bien que comportant une argumentation de quelque sorte. Dans ces sophismes, il n'y a pas d'argument du tout, il n'y a que des mots et des voix et rien d'autre".

Pour combattre toute manipulation, il vous faut en fait apprendre, à un moment donné, à dire non.

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 Ajoutez Dites NON à la manipulation à vos Favoris Mis en lumière par George Orwell @ Chercheur Virtuel 06 mars 2006 à 07:55 |